Explorer la “ville haute” par carottages archéologiques
La « ville haute » domine le chef-lieu de cité de Lugdunum sur moins de 4,5 ha. Ce secteur, aujourd’hui encore relativement occupé, restait très mal appréhendé, en particulier pour la période antique.
À l’exception de structures difficilement identifiables (bassins ou podium d’un édifice ?), en amont d’un long mur de terrasse antique encore visible au nord de la cathédrale érigée au XIIe s., les rares données anciennes et les quelques sondages le long du rempart de l’Antiquité tardive ne fournissaient que de très rares indices d’une occupation antérieure à la fin du IVe s. ap. J.-C., y compris parmi le matériel résiduel ou les remplois d’autels et pièces d’architecture.
Comment était mis à profit dans la scénographie urbaine un tel « géosymbole », dominant la ville antique et son centre monumental dont le théâtre à flanc de versant ? Doit-on imaginer une zone peu voire pas occupée, quitte à faire de ce que l’historiographie présente comme le noyau historique, un oppidum celtique, une zone de périphérie urbaine pendant le haut-Empire ? En effet, on a tendance à juger sa présence à proximité immédiate de la ville augustéenne comme l’élément explicatif de l’implantation de cette dernière en contrebas, mais encore faut-il prouver son occupation ancienne et antérieure. Voilà toute une série de problématiques qui ne sont pas nouvelles, mais qui restaient en suspens depuis les premiers coups de pioches à Saint-Bertrand.
L’exiguïté des parcelles limitant le stockage des terres et la dimension des engins de terrassement et la puissance sédimentaire (jusqu’à 4 m), une solution originale de carottages archéologiques à l’aide d’une foreuse SONIC a été adoptée lors de deux interventions en 2020 et 2022, pour enfin explorer ce secteur.
Contrairement aux autres techniques (par fonçage ou rotation), cette technique bénéficie d’une force de perforation supérieure dans des couches hétérogènes et d’une certaine rapidité d’exécution.
À l’issue des deux campagnes de carottages en 2020 et 2022, dirigées par R. Golosetti et soutenues par L. Augustin et J.-F. Rocci, ce sont 20 logs qui ont été réalisés pour investiguer 10 secteurs afin d’avoir un maillage le plus homogène des explorations sur l’ensemble de la colline. L’étude géoarchéologique des carottes de 10 cm de diamètre par G. Leblé a permis de renouveler l’image du substrat composé d’argiles morainiques, comme les collines voisines, et non du rocher calcaire proposé jusqu’alors, d’approcher l’évolution de la structuration en terrasses de l’Antiquité à nos jours ou fournir les premiers indices en contexte d’une occupation de la fin de l’âge du Fer avec de probables tessons d’amphore italique.
Une faible densité d’indices du haut-Empire apparaît également, suggérant une occupation de la colline essentiellement tardo-antique, à l’exception d’aménagements (monumentaux ?) dans le secteur de la cathédrale et en contrebas. Pour les périodes médiévale et moderne, l’approche de la cathédrale présente une forte densité d’occupation, nettement plus lâche en périphérie.
Ces résultats restent ponctuels mais ils suggèrent de revoir l’histoire de la ville romaine qui aurait été aménagée au pied d’une colline finalement faiblement occupée, sinon par une structure monumentale située dans l’axe du théâtre.