Un camp de cohorte à Lugdunum

À l’est de la ville romaine, au lieu-dit Tranquistan, les murs d’un enclos encore visible dans la végétation ont été identifiés en 1989 à l’enceinte d’un camp militaire de l’époque romaine.

Vue aérienne du camp militaire : son emprise est marquée par la végétation qui a poussé à l’emplacement des murs d’enceinte. À l’arrière, l’emplacement de la ville romaine (cliché Thomas Le Flécher).

La remarquable préservation des élévations de du rempart du camp militaire de Tranquistan en fait assurément l’un des mieux conservé du monde romain. Marquant le paysage et servant aujourd’hui encore de limite cadastrale, les murs d’enceinte du camp sont préservés sur toute une partie de son périmètre. Ils forment un quadrilatère de 176 m × 162 m conservé, par endroits, sur près de 3,90 m de haut.

Le plan de ce complexe de 2,85 ha a été restitué en 2016 par des prospections géophysiques (magnétique et radar) menées par l’Institut archéologique autrichien et dirigées par Stefan Groh.

Plan géoradar des structures conservées à l'intérieur du camp (document Stefan Groh, ÖAI).
Plan du camp militaire de Saint-Bertrand-de-Comminges restitué à partir des prospections géophysiques de Stefan Groh (document Jean-Patrick Duchemin).

Il a ainsi été possible de reconnaître le plan canonique d’un camp de cohorte (500 hommes) présentant deux voies qui se coupent à angle droit et délimitant l’emplacement des principia (le bâtiment d’état-major organisé autour d’une cour centrale), les baraques des soldats groupées par paires et accueillant une centurie, soit environ 80 hommes. D’autres bâtiments se laissent moins bien identifier (ensemble thermal ? magasin ?).

Des prospections et une fouille en aire ouverte

Une garnison semble avoir stationné à Saint-Bertrand-de-Comminges dès le milieu du 3ème siècle et jusque vers 340 apr. J.-C., sans doute en relation avec les troubles politiques de la seconde moitié du 3ème siècle ou leurs répercussions immédiates.

Le projet initié en 2022 avait pour objectif de reprendre l’étude initiée en 1989 pour enquêter avec des moyens nouveaux sur la fonction et la période d’occupation précise du camp et ainsi mieux comprendre son implantation dans le paysage suburbain. En complément de premières actions visant à collecter du mobilier de surface, une opération de sondage a été réalisée en 2023 à l’intérieur même du camp militaire, grâce à l’image radar livrée par l’Institut archéologique autrichien. Une fenêtre d’un peu moins de 200 m² a ainsi été ouverte, recoupant deux grands bâtiments reconnus comme les baraquements militaires d’une centurie.

Vue aérienne du sondage fouillé à l'issue de la campagne 2023 (cliché Flore Giraud).
Proposition d’interprétation des vestiges liés aux baraquements C1 et C2 ainsi qu’à leur environnement proche, à partir des données de fouille et de la couverture géoradar de l’ÖAI (document Jean-Patrick Duchemin).
Vue en coupe de la tranchée de récupération du mur d'un baraquement du camp militaire de Tranquistan (cliché Flore Giraud).

La fouille a identifié un unique état de construction de même que les grandes étapes de récupération de ses matériaux. Le faible nombre de structures ayant piégé du matériel et le niveau d’arasement global (murs réduits à leurs fondations, séquences stratigraphiques oblitérées) n’ont permis de collecter qu’une quantité limitée de mobiliers pouvant permettre d’asseoir la chronologie. Les quelques éléments mis au jour en stratigraphie viennent néanmoins compléter les premières constatations issues de l’étude des découvertes de surface.

La chronologie des ensembles archéologiques mis en évidence apparaît essentiellement centrée sur une période s’étendant de la seconde moitié du IIIe siècle au premier tiers du IVe siècle. Aucun élément témoignant d’une occupation plus ancienne du site n’a pu être révélé, sachant que les objets pouvant caractériser des périodes plus tardives sont très ponctuels (par exemple pour fin du IVe siècle). Une telle datation s’insère finalement très bien dans le tableau des mutations ayant affecté la périphérie orientale de la ville romaine puisque la nécropole monumentale de Saint-Just, distante d’à peine 250 mètres est installée une cinquantaine d'années après le camp. 

Vue en coupe du sondage fouillé en 2023 (cliché Flore Giraud).
Fondation de l'abside des principia (cliché Flore Giraud).
Vue nadirale de la fondation de l'abside des principia (cliché Flore Giraud).

La raison de l’installation de la cohorte à cette date tardive est toutefois toujours discutée, ce qui nécessite de continuer à enquêter par des sondages complémentaires sur les conditions de création et d’utilisation de ce camp militaire, dont l’implantation reste unique en France pour cette période.