L’intelligence de la rue : un projet sur les axes viaires urbains de Lugdunum

Généralement, la ville romaine est comprise par l’intermédiaire de ses édifices jugés les plus significatifs qui constituent le centre monumental (forum, temples, thermes, théâtre, etc.). L’histoire urbaine est alors définie de manière monolithique à l’aune de ses éléments les plus monumentaux, comme en témoignent les fouilles anciennes menées à Saint-Bertrand-de-Comminges qui ont dressé l’histoire monumentale de la ville. L’idée est ici d’observer ce qu’on peut comprendre de la ville à partir d’une de ses rues.

Vue aérienne du sondage de la Rue 352 en avril 2024 (cliché Flore Giraud).
Vue en plan et en coupe de la Rue 352 en avril 2024 (cliché Flore Giraud).

Un sondage a été implanté en juillet 2023 en plein cœur de l’antique ville de Lugdunum des Convènes, afin d’investiguer une de ses voies. L’objectif de ce projet ? Tester « l’intelligence de la rue », c’est-à-dire comment les traces archéologiques laissées sur une voirie renseignent sur les interactions socio-économiques et comment s’y organise la vie. La rue en effet est un espace social, à l’interface entre l’espace public et l’espace privé. Il s’agit alors d’identifier, sur toute la durée de son utilisation, ses différents moments de recharge et les acteurs à leur initiative, la nature et l’ampleur de sa fréquentation, etc.

Un projet novateur par son objet et sa méthode

Ce projet est novateur par son objet, puisque la recherche archéologique s’est jusqu’ici principalement concentrée sur l’étude des monuments publics, qui donnent à voir plus ou moins les mêmes rythmes urbains. La rue, qui est un espace public qui structure et organise la ville, est aménagée avant même l’occupation des quartiers. La rue n’est donc pas ici considérée comme un simple espace de circulation mais comme une infrastructure adaptée à dévoiler l’histoire urbaine, qui enregistre le pouls de l’aménagement de l’agglomération en piégeant une séquence particulière de la vie urbaine et quotidienne.

Ce caractère novateur justifie la mise en place d’une méthodologie nouvelle, développée en avril 2024 et adaptée à ces problématiques de recherche. La fouille en effet est menée par passes de 2 à 5 cm, avec un enregistrement géolocalisé du mobilier de manière à saisir tous les témoignages de l’activité urbaine et le va et vient d’une communauté de voisinage, aussi précisément que possible. Une première opération a ainsi été organisée au printemps 2024 pour mettre en place cette méthodologie très précise, adaptée depuis celle qui a été mise en place à Pompéi, où travaille également une partie de l’équipe.

Vue aérienne de l'équipe au travail sur le sondage Rue 352 (cliché Flore Giraud).
Vue de détail de mobilier identifiés lors de la passe R2 : des fragments de TCA, de céramique et de métal (cliché Flore Giraud).
Carte de répartition du mobilier repéré lors de la passe R2 : tous les fragments sont identifiés, localisés et prélevés individuellement (document Talia Smith).
Vue aérienne à l'issue de la passe R3 (cliché Flore Giraud).

La méthode, une fois validée, pourra alors être appliquée à d’autres axes viaires. Ainsi, d’une voie à l’autre, l’archéologie de la rue donne des situations chaque fois différentes qui renvoient certainement et pour partie à cette intelligence de la rue : ici des boutiques, là des artisans, là encore des maisons modestes ou riches, une fontaine, un autel, des déchets sur la chaussée…